La poésie camerounaise hier et aujourd’hui : enjeux épistémologiques et perspectives critiques
Journée d'études
Lieu: Université de Buea-Cameroun
Date de l'événement: 4 septembre 2020

Date limite: 30 juin 2020


Dans le champ des genres littéraires, la poésie s’avère particulière en ce qu’elle est capable de rayonner comme une envoûtante combinaison de mots. Certains critiques l’appréhendent alors comme une sublimation de la vie et du langage. Ce d’autant que, dans son essence, ce genre se révèle une forme d’expression littéraire où se côtoient lyrisme, esthétique et musicalité (inspiration, beauté, rythme, versification et musique). Selon qu’elle  traduit des sentiments et les stylise pour plaire, ou qu’elle réfléchit à leur sujet, elle revêt plusieurs formes : elle peut être descriptive, philosophique, lyrique, didactique, etc. Qui plus est, qu’elle se donne à voir ou à écouter, elle est capable de catalyser l’action dans le domaine sociopolitique, comme en témoignent certaines péripéties caractéristiques du mouvement poétique camerounais.
En effet, le 23 janvier 1960, Louis-Marie Pouka-Mbague, René Philombe, Remy Medou Mvomo et d’autres poètes et écrivains camerounais se sont mobilisés pour réveiller la conscience des masses en faisant revivre nos us et coutumes. Aussi, pour contribuer à l’histoire littéraire et artistique du Cameroun, ont-ils rassemblé tous les documents. Par ailleurs, ils voulaient, sans distinguer les langues dans lesquelles ces œuvres étaient écrites, vulgariser par tous les moyens les productions d’auteurs camerounais.  
Une petite randonnée heuristique et herméneutique au cœur du champ poétique actuel peut d’ailleurs permettre d’en apprécier la richesse. Ainsi, que l’on aborde  la production camerounaise dans la perspective de Denis Labouret et André Meunier (2000), pour qui la littérarité du texte poétique intègre essentiellement l’harmonie sonore et l’harmonie visuelle, c’est-à-dire la valeur représentative  des mots et la mise en page respectivement, ce ne sont que des coups d’éclats que certains poètes réservent aux lecteurs. Pour preuve, « Dernière heure » d’Emmanuel Ekeke Moukouri :  
« Dernière heure »

« Me voici sur les routes, en lambeaux flottants :
Sans amour, sans maman, sans joie et sans sourire.
Accablé de misère et de soucis troublants
Je rôde si pauvre et nul passant n’en soupire.

Allons, mon vieux manteau, allons, âme en délire.
Faut-il qu’un vagabond se charge lourdement ?
La terre maudite à mon avanie aspire,
La honte me poursuit, m’assiège puissamment.

Il souffle contre moi un vent que rien n’arrête.
Lassé je me décide à rebrousser chemin,
Pensif, le cœur serré, le regret en mes mains.

Et je vais…n’importe où la mort me surprendra,
J’irai, brave, dans l’abîme de la tempête
Comme un oiseau blessé qui meurt, la tête en bas. »
     L’extrait suivant du Temps des titans de Jacques Fame Ndongo s’avère auréolé de la même harmonie sonore et visuelle :
« Le temps des titans »
        «  Bel aède ruisselant
                     De talent
                      Et d’allant.

            Conte –moi le temps
                       Des titans
                       Epatants
            Et de notre génie d’antan.
                       Et présent
                       Et futur
                       Et pur.

           Jeunes Nègres à la cervelle de touraco
          Et à l’esprit hanté par les gratte-ciel et les échos »  (Le Temps…p.73).

Ce sont là, concrètement, un exemple de sonnet sublimant la forme du texte par Ekeke et un exemple d’alternance entre passage à la ligne et fractionnement illustré par Fame Ndongo dans le poème « Le temps des titans », l’un et l’autre soulignant l’incertitude de la vie et l’excellence de certains aïeux d’Afrique.
Que l’on s’en tienne à la Sémiotique de la poésie de Michael Riffaterre, qui alterne bien sûr  étape heuristique et phase herméneutique, le décodage structural met en rapport des éléments apparemment dissociés du texte qui  sont, en fait, des « variants » de la même matrice structurale. Tel apparaît par exemple le thème de la violence et de la mort qui marquent la présence coloniale au Cameroun en particulier et en Afrique en général, aux premières heures des luttes d’émancipation nationale, matrice structurale des deux productions suivantes, « Ils sont venus » et « Indépendance »,  respectivement  de François Sengat Kuo et Charles Ngandé :
 « Ils sont venus «
« Ils sont venus
au clair de lune
au rythme de tam-tam
ce soir-là
comme toujours
l’on dansait
l’on riait
brillant avenir
ils sont venus
civilisation
bibles sous le bras
fusils en mains
les morts se sont entassés
l’on a pleuré
et le tam-tam s’est tu
silence profond comme la mort »

« Indépendance »

« Nous avons pleuré toute la nuit
L’étape a été longue
Et la perdrix a chanté timidement
Dans un matin de brouillard
Chants illuminés de cataractes d’espérance
Espérance d’une aurore aux dents de balafons.
Et la perdrix s’est tue
Car son chant s’est éteint dans la gorge
D’un python
Et le tam-tam s’est tu
Et le grelot n’a plus ri sur la jaune savane
Et le deuil a planté sa case dans la cour du village.
Sang ! Sang ! Sang !
Femmes, terrez-vous le soir dans vos enclos :
Le Fusil passe. »

    Pour différents et dissociés sur le plan formel qu’ils soient, ces deux textes ne renferment pas moins les mêmes variants, les mêmes schèmes ou composantes esthétiques: la  mort et les pleurs subséquents à la violence coloniale.

Que l’on s’en tienne à l’approche poétique que prône Daniel Delas (1984 : 18 , 19), certains textes camerounais rayonnent d’une fructueuse polysémie désignée, dans Poétique/Pratique, « ambigüité poétique ». Celle-ci tient au fait que, selon Delas, le texte poétique utilise le système de la langue et semble donc renvoyer aux mêmes objets du monde extralinguistique. Dans les extraits respectifs suivants de Jean Claude Awono et de Nathalie Etokè, cette ambigüité se rapporte au référent « Cameroun ». Ainsi, dans le poème « Puis mon pays », Awono  affirme : « Il faudra beaucoup de bras /Pour entasser ce pays que les pillages/ Ont mêlé aux gravats ». Pour lui, Cameroun rime avec dislocation. A côté de cette image désastreuse, la poétesse Etokè quant à elle conjugue, dans « Cameroun  mon pays » cette nation avec   « Terre fertile en despotes », « l’Afrique en miniature ». Au surplus, elle cite, des vers16 à 25,  «  Bafoussam/Bamenda/Bertoua/Buea/Douala/Ebolowa/Garoua/Maroua/Ngaoundéré/Yaoundé »,  les chefs-lieux des dix régions du pays, comme pour évoquer l’idée que  le vocable « Cameroun » réfère à la diversité géographique, humaine et culturelle de ce pays.  Voilà toute  une pluralité  de prédicats rattachés au mot « Cameroun ».
S’agissant du sous-champ poétique du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la première dynamique qui remonte à la fin des années 1950 est impulsée par des auteurs tels que Bernard Fonlon,  Sankie Maimo, Mbella Sone Dipoko ou encore Bongasu Tanta Kishani qui entreprennent, pour certains,  de se départir  de l’imitation des Colons pour un ancrage thématique, éthique et esthétique dans le socle culturel local. Depuis les années 2000, un renouveau bat son plein. Il est marqué par la prise en compte essentielle du lien interpénétratif entre  nature, culture, histoire, politique, éthique et environnement. The Passing wind (1991) et Forest Echoes (2010) de Nol Alembong illustrent cette tendance.  Publié en 2017 par Eunice Ngongkum, l’essai intitulé Anglophone  Cameroon poetry in the environmental matrix réverbère bien cette dimension.


En fait, riche et diversifiée à l’image du pays, la poésie camerounaise est à la fois chant de louange et de dénonciation, de plainte et d’espoir, de paix et de guerre, de nostalgie, de résignation et de révolte, d’immersion dans les facettes du réel national. Le présent appel adresse les problématiques que suscite le mouvement poétique camerounais depuis la nuit des temps en revisitant sa trajectoire. Les axes non exhaustifs ci-après peuvent être explorés :
a.    La poésie camerounaise aujourd’hui : exploration des tours, entours et contours, des intérêts thématiques, esthétiques et éthiques.
b.    La poésie camerounaise aujourd’hui et demain : perspectives, expectatives et prospectives heuristiques pour le devenir d’un art et d’un peuple
c.    Poésie, (in)activité et/ou proactivité : à quelle source féconde s’abreuve la poésie camerounaise ?
d.    Mouvement poétique et ingénierie de la conscience nationale : jeux et enjeux heuristiques et épistémologiques.
e.    Poésie et postulation du vivre ensemble : fondements et enseignements éthiques 
Les propositions de communication d’environ 400 mots, auxquelles sont associés le titre, le nom du contributeur, son institution de rattachement, une biographie de cinq lignes maximum ainsi que des mots–clés, doivent être envoyées aux adresses suivantes : edmokwe@yahoo.com; eyonapiers@gmail.com; blaisetsoualla@gmail.com

 Calendrier prévisionnel :
-Réception des propositions  de communication –Date limite : Mardi, 30 juin 2020.
-Retour des avis : Vendredi, 31 juillet 2020.
-Date de la journée d’étude : Vendredi, 04 septembre 2020.
-Lieu : CURELF, Université de Buea-Cameroun
-Mars-avril 2021 : publication des actes de la journée d’études.
 
Comité scientifique :
     Président :            Pr Nol Alembong Université de Buea, Cameroun
     Membres :
-Pr. Richard Laurent Omgba, Université de Yaoundé1, Cameroun
-Pr Marcelline Nnomo, Université de Yaoundé1 Cameroun
-Pr Emmanuel Matateyou, Université de Yaoundé1 Cameroun
-Pr. Pierre Fandio, Université de Buea, Cameroun
-Pr Pierre Medehouegnon A., Université d’Abomey Calavi, Bénin
-Pr Louis Obou, Université Félix Houphouet Boigny, Côte d’Ivoire
- Pr Coulibaly Daouda, Université de Bouaké, Côte d’Ivoire
-Pr Pascal Okri Tossou, Université d’Abomey Calavi, Bénin
- Pr Laure Clémence Capo Chichi, Université d’Abomey Calavi, Bénin
-Pr N’Guessan Kouadio G, Université F Houphouet Boigny, Côte d’Ivoire
-Pr Silué Lèfara, Université Félix Houphouet Boigny, Côte d’Ivoire
-Pr Pierre Claver Mongui, Université  Omar Bongo, Gabon
- Pr.Pierre Martial Abessolo , Université de Buea, Cameroun
-Pr. Pierre Suzanne Eyenga Onana, Université de Yaoundé1, Cameroun
-Pr. Edouard  Mokwe, Université de Buea, Cameroun
-Dr. Blaise Tsoualla, Université de Buea, Cameroun

Coordonnateurs : Edouard Mokwe, Université de Buea ; Pierre Suzanne Eyenga Onana, Université de Yaoundé 1, Blaise Tsoualla, Université de Buea.

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